Alerte éleveurs et animaux en détresse !
Un éleveur témoigne
François DUFOUR, agriculteur éleveur normand aujourd’hui en retraite, ancien secrétaire nationale et porte-parole de la Confédération Paysanne, Conseiller Régional de Normandie de 2017 à 2021, . Interpelé par les problématiques apparaissant dans les élevages François DUFOUR est à l’origine de la création du Groupe Permanent pour la Sécurité Électrique dans les élevages, GPSE, en 1999. Il rappelle l’historique de la problématique liée à la présence de lignes électriques à proximité des élevages, comment l’état y a répondu en créant le GPSE, et fait le point sur la situation aujourd’hui.
Début des années 90, des éleveurs de vaches laitières, de porcs, de lapins constatent et subissent des anomalies de comportement et de santé inexpliquées par les vétérinaires praticiens sur les élevages situés sur le territoire français.
Ceux-ci constatent et s’interrogent sur la proximité de lignes électriques proches ou surplombant leurs bâtiments.
Les animaux sont atteints de troubles de comportement « avortements importants sur les truies et absence de montée de lait après la mise bas, stérilité chez les vaches laitières, taux très important de leucocytes dans le lait ; celui-ci ne correspond plus à la norme imposée ; mortalité importante de jeunes veaux et de porcs en croissance ; amaigrissements anormaux sur des animaux de rente etc…
Les éleveurs alertent les autorités, se regroupent, vont jusqu’à mener leurs propres expériences en déplaçant les animaux vers des lieux éloignés des lignes électriques. Là les bovins comme les porcs retrouvent la santé et retrouvent un comportement normal !
En 1997, la Confédération Paysanne alerte les pouvoirs publics et demande que des réponses soient apportées dans plusieurs domaines :
•Recherche et expérimentation sur ces phénomènes
•Indemnisation pour les préjudices subis
•Prise en compte de ce qui semble s’étendre à travers le territoire et qui relève d’une mission publique.
En 1998, le ministère de l’agriculture répond positivement à la demande de la confédération paysanne : une mission officielle est mise en place sous l’égide du Ministre de l’Agriculture Louis LE PENSEC.
Deux représentants du Ministère » Dominique BLATIN et Jean Jacques BENETIERE » sont envoyés dans 3 élevages de l’Ouest de la France, accompagnés par la CP et rendent un rapport conséquent relatant les anomalies constatées et inexpliquées, faisant état de troubles de comportement anormaux qui ne peuvent être traités ni par les vétérinaires, ni par les nutritionnistes d’élevages.
Ces représentant rendront le rapport nommé « BLATIN – BENETIERE », rendu au Ministre. Ce rapport aboutira par la suit en 1999 à la création du GPSE « GROUPE PERMANENT SUR LA SÉCURITÉ ÉLECTRIQUE ».
La mission du GPSE sera de mettre autour de la même structure l’ensemble des acteurs représentant le domaine de l’élevage sous toutes ses facettes, de rechercher les relations entre les phénomènes électriques et les risques des courants parasites dans les exploitations d’élevages.
Cette structure nouvelle fût d’abord présidée par François GALLOUIN, docteur vétérinaire et Docteur en biologie humaine ; professeur à l’Institut national agronomique de l’école de Paris Grignon.
Quatre groupes de travail sont installés au sein du GPSE regroupant chercheurs, scientifiques, organisations professionnelles agricoles, représentants d’EDF, de RTE, de l’Ecole Nationale Vétérinaire de Maisons Alfort !
Les éleveurs concernés, dont le nombre ne cesse de croître à travers les régions d’élevages sont soulagés qu’enfin leurs appels au secours soient entendus.
En juillet 2000, l’édition d’une plaquette d’information sortie à 20 000 exemplaires voit le jour, intitulée « mieux connaître les risques des courants électriques parasites dans les élevages ».
Elle paraît sous l’égide du Ministère de l’Agriculture, mais aussi de EDF agriculture, de Promotelec, de L’APCA et de Groupama !
Dans toutes les régions de France, cette plaquette sera distribuée par les réseaux d’éleveurs, les assurances agricoles, les vétérinaires et techniciens agricoles. Et c’est ainsi qu’en quelques semaines, une réédition de ce document est demandée, tant les inquiétudes sont importantes dans les élevages où les troubles de comportement des animaux apparaissent !
En effet les territoires ruraux sont couverts d’interconnexion de transport d’énergie. L’électricité est transportée par des lignes électriques aériennes ou souterraines. La stratégie d’effacement des réseaux amène l’enfouissement de nombreuses lignes.
Ces lignes, qu’elles soient aériennes ou souterraines, génèrent des champs électromagnétiques et des courants parasites qui peuvent provoquer des manifestations indésirables.
De nombreux de facteurs potentiels de perturbations au premier rang desquels figure la qualité de la conception des ouvrages et l’entretien des lignes électriques ; le télescopage possible et aggravé des installations technologiques de plus en plus sensibles et complexes en lien avec la nature des sols et sous-sols; la présence de passage d’eau et la présence de nappes phréatiques (celles-ci non répertoriées lors de construction agricoles) etc …
Ainsi depuis l’arrivée de l’électricité, outil indispensable au fonctionnement de nos exploitations, des normes sont apparues et utilisées comme règles de base afin de permettre la cohabitation entre l’utilisation de l’énergie électrique et le développement du vivant !
Les effets induits de l’électricité sur les animaux, les seuils de sensibilité et les perturbations éventuelles sont définies et reconnues par la science.
La présence de courants dits vagabonds ou parasites générés soit par les lignes électriques internes ou externes à l’élevage sur les parties métalliques touchées par les animaux : clôtures, cornadis, abreuvoirs…provoque une réaction qui peut aller jusqu’à des perturbations du comportement ou de la santé.
Ainsi l’animal ressent beaucoup plus que l’humain les niveaux de tension électrique parce que le museau et les pattes en général humides sont très conducteurs. Un abreuvoir métallique isolé, situé à proximité d’une ligne à haute tension va capter le courant d’induction magnétique généré par la ligne. La tension électrique entre l’abreuvoir et le sol va favoriser le passage du courant à l’intérieur de l’animal. Le courant capté au niveau de l’abreuvoir traverse alors l’animal et revient au sol par les pattes.
Des 4 groupes de travail définis en 1999, à la naissance du GPSE, il s’agissait surtout d’évaluer les besoins pour les territoires afin de répondre aux phénomènes complexes apparus et non résolus par les praticiens d’élevages accompagnant les agriculteurs.
Il s’agissait de ne plus laisser l’éleveur seul au milieu de son troupeau, subissant les troubles anormaux inexpliqués, subissant pertes économiques et fracas familiaux, subissant détériorations psychologiques avec très souvent l’asphyxie financière et la fin de ce noble métier d’éleveur « d’utilité publique » !
Nous ne parlons pas là du mal être animal et humain mais de la souffrance subie dans l’ombre et la lumière conduit régulièrement à l’impossibilité d’exercer la profession pourtant contractualisée avec l’état à grands coups d’aides publiques, le GPSE a mené nombre de missions dans les élevages l’ayant sollicité, sous l’égide tout d’abord des préfectures puis des chambres d’agriculture.
Au fil des années, une clause de confidentialité est instaurée pour les éleveurs et doit obligatoirement être signée, mettant l’éleveur dans une position d’isolement et d’impossibilité de communiquer ses difficultés dans son entourage, le laissant seul face à ses angoisses.
Cette attitude de la part du GPSE devenu « association » est intolérable et très inquiétante dans une démocratie !
Le GPSE n’a jamais été et, à ce jour, n’est toujours pas doté d’un budget propre à son fonctionnement.
C’est ainsi que les anomalies subies par les éleveurs et très souvent non solutionnées, n’ont donc aucune reconnaissance de l’état français.
Les phénomènes des champs électromagnétiques (CEM) et courants parasites dépassent les frontières de nos territoires.
Des élevages sont impactés dans tous les pays européens, aux Etats Unis où de nombreux dossiers terminent devant des tribunaux seules stratégies laissées à l’éleveur pour faire reconnaître leur problématique.
Des réseaux d’avocats et de scientifiques indépendants ont démontrés que les normes en vigueur a travers le monde n’étaient pas adaptées aux réalités vécues et subies chez les animaux de rente.
Aujourd’hui le CRIIREM, Centre de Recherche et d’Information Indépendant sur les Rayonnements Électromagnétiques est le seul organisme indépendant qui apporte des éléments contradictoires et probants retenus par les tribunaux. Il dispose d’une expérience et de compétences scientifiques reconnues et intervient comme experts dans le domaine de l’électromagnétisme.
Actuellement le nombre d’installations de productions d’énergies électriques est en forte croissance (+11% chaque année); ces infrastructures sont très souvent concentrées sur des territoires dédiés aux productions d’élevages agricoles.
L’arrivée et le développement croissant des nouvelles technologies dans l’élevage nécessite des approvisionnements en énergie sophistiqués beaucoup plus conséquents que par le passé, que ce soit par les airs avec de nouvelles lignes aériennes, que ce soit par le sol et le sous-sol avec l’effacement des réseaux aériens, tout cela concoure à générer des risques potentiels non mesurés pouvant rendre impossible l’activité des éleveurs.
Aucune étude d’impact n’est menée lors d’installations nouvelles, conductrices d’énergies (types de sols, zones sèches ou humides, présence de nappes phréatiques de surfaces où de profondeurs) etc….
Pourtant entre 1999 et 2001, les groupes de travail du GPSE ont terminés un travail de concertation amenant le sénat a produire un rapport soulignant « les effets sur la santé et l’environnement des CEM produit par les lignes à haute et très haute tension. Alors que les témoignages d’éleveurs se multiplient
dans le pays, il demeure une certaine ignorance de ces phénomènes qui nécessitent la mise en place d’une véritable recherche scientifique pour mesurer et évaluer la propagation et la nocivité des ondes sur les organismes.
Il s’agit de revoir le fonctionnement, le financement et la composition du GPSE pour en faire un vrai groupe indépendant des producteurs d’énergie, prenant réellement en compte la souffrance des éleveurs et le bien-être animal.
Étant donné les enjeux importants, il s’agit de produire une alimentation aux français, cette recherche scientifique devra être assurée par un organisme dont la neutralité, l’indépendance et la transparence ne pourront pas être remises en cause. Et en attendant la mise en place et les résultats d’une telle recherche scientifique, il importe que le développement des lignes hautes et très haute tension induites par l’implantation de parcs éoliens ou photovoltaïques soit encadré par des mesures techniques, environnementales répondant aux exigences du principe de précaution.
Depuis le début des années 2000, le nombre de parlementaires ayant interpellés le ministre de l’agriculture sur ces problématiques liées aux conditions d’élevages est sans cesse croissant ; les Ministres de l’Agriculture ont sans cesse bottés en touche à ce sujet, tout en reconnaissant que les anomalies et avaries sur les élevages étaient bien réelles. Ils se sont tous abrités derrière le GPSE, sans pour autant exiger de lui transparence et bilan !
L’état français n’a donc pas voulu protéger ses éleveurs ce qui aujourd’hui pose les questions suivantes :
• Le métier est-il toujours possible en zone de passage ou de concentration de lignes électriques ?
• Les conditions du bien-être animal ne sont plus assurées lorsque les éleveurs ne peuvent plus avoir recours à leurs vétérinaires praticiens, incapables de résoudre les problématiques de santé.
• Des agriculteurs sont obligés d’avoir recours aux traitements médicamenteux pour faire de la prévention et du curatif, traitements la plupart du temps sans résultats etc ….
Le droit d’exercer dans un environnement sain, droit européen, n’est plus la règle commune pour bon nombre de filières animales.
Et ce qui est très inquiétant et demande des explications, c’est lorsque des générations d’éleveurs se succédant et qui ont exercés sans soucis voient leur environnement se transformer au moment de travaux de pose de câbles électriques dans le sol et souvent après la fracturation de la roche ou l’ouverture de zones humides.
Autrement dit il y a nécessité de comprendre pourquoi autant et toujours plus d’élevages sont en péril. Les éleveurs sont laissés seuls sans réponses à leurs appels au secours. On leur reproche trop souvent d’être devenu incompétents dans leur métier !
Alors que L’EPR (1600 mégawatts) enverra son énergie destinée à l’exportation, dans les lignes THT par les airs ou les sous-sols, pendant combien de temps encore ces régions forte productrices d’électricité, comme la Normandie, seront-elles en capacité de maintenir une activité d’élevage avec l’agroalimentaire qui en découle ?
Autant d’inquiétudes et d’angoisses qui déstabilisent les familles paysannes et les territoires ruraux, c’est l’emploi agricole et la santé humaine qui sont mises à mal par la puissance publique.
A la fin de l’année 2024, la THT Cotentin Maine parsemée d’élevages en Normandie, Bretagne et Pays de Loire , surplombés par des lignes THT, ce sont des centaines d’exploitations agricoles exposées au CEM qui seront prises en otage de ces champs électromagnétiques (l’énergie ne se stocke pas), fermes électrisées sans qu’aucune recherche ni suivi scientifique ne soient prévus ; éleveurs livrés à eux-mêmes, tenus par les règles de la confidentialité et dans l’étau des obligations de conformité à livrer des produits alimentaires irréprochables.
En l’absence de reconnaissance des anomalies électriques sur le vivant, des éleveurs sont accusés d’être de mauvais professionnels, que ce soit par les producteurs d’énergie et/ ou même les juges lors de procédures judiciaires.
Situations intenables et intolérables qui ont produit ces dernières années tellement de drames familiaux en tous genres à travers toutes les régions de France.
La liste est longue, elle continue de grandir, et combien encore en grandes détresses économiques, psychologiques et sociales dans les élevages de France avant que le Ministre de l’Agriculture ne réagisse et accepte d’entendre que si la richesse de la France est de produire de l’énergie, elle est aussi de nourrir ses habitants.
Combien de temps encore l’omerta sera-t-elle entretenue au pays des droits de l’homme ?
Combien de temps encore notre pays refusera d’entendre l’appel au secours de paysans et paysannes censés nourrir, employés, préserver ?
Combien de temps encore ?…….
Novembre 2024
François Dufour