La Fédération Française des Télécoms s’érige en législateur!

Avr 18, 2024 | Publications


La Fédération Française des Télécoms propose : 10 mesures
de simplification des procédures d’implantation d’installation radioélectriques

La Fédération Française des Télécoms, dans le cadre des rencontres de la simplification, lancées par le gouvernement mi-novembre dernier, a proposé dix simplifications visant à accélérer le déploiement des infrastructures de téléphonie mobile. Ces simplifications concernent exclusivement des dispositions législatives et réglementaires, notamment celles limitant l’occupation des territoires ou définissant les possibilités de recours des tiers. Elles se présentent sous la forme de textes substituables en l’état aux textes en vigueur et impactent le Code de l’urbanisme, le Code des postes et communications électroniques, le Code de l’énergie, le Code général des collectivités locales jusqu’à proposer, en vertu de quel droit, une modification du Code Pénal.

Cet article présente une synthèse des propositions de simplification suggérées par la Fédération Française des Télécoms, dans le cadre des rencontres de la simplification lancées par le gouvernement mi-novembre dernier. Cette initiative vise à remonter des propositions concrètes au gouvernement, via l’ouverture d’une consultation publique destinée aux chefs d’entreprises et entrepreneurs. Les éléments rapportés ci-dessous sont issus d’un document téléchargeable librement sur le site internet la Fédération Française des Télécoms[1].

D’après les dires de la Fédération Française des Télécoms, ce document, élaboré sur propositions des opérateurs télécoms, présente dix mesures visant à simplifier le déploiement des infrastructures numériques, et notamment à « mieux concilier l’aménagement numérique du territoire et les règles d’urbanisme », ceci pour au final répondre au besoin croissant de connectivité mobile[2].

A la lecture du document mis en ligne par la Fédération Française des Télécoms, et dans le cadre d’une synthèse, il parait raisonnable de classer ces mesures sous quatre catégories.

  1. Mesures visant à une plus large occupation des territoires
  • Dérogation, pour la zone littorale, au principe d’extension de l’urbanisation en continuité

En vertu de ce principe, les constructions nouvelles doivent se situer dans le prolongement direct des zones bâties existantes sans que, visuellement, il y ait création d’un nouveau point d’urbanisation. Dans l’hypothèse où cette mesure soit entérinée, l’implantation d’installations radioélectriques deviendrait ainsi possible en tout point du littoral, à l’exception d’une bande de cent mètres à compter de la limite haute du rivage ou des plus hautes eaux pour les plans d’eau intérieurs d’une superficie supérieure à 1000 hectares et les étangs salés. Cette mesure accroit de façon considérable les possibilités d’implantation d’installations radioélectriques en zone littorale.

  • Extension du droit d’occupation au domaine public non routier

Les opérateurs télécoms bénéficient actuellement d’un droit d’occupation limité au domaine public routier, soit l’ensemble des biens du domaine public de l’État, des départements et des communes affectés aux besoins de la circulation terrestre, à l’exception des voies ferrées. En l’absence de ce droit d’occupation, toute installation requiert l’accord préalable des collectivités. Par cette mesure, il est demandé l’extension de ce droit d’occupation au domaine public non routier. Les opérateurs télécoms auraient ainsi accès à l’ensemble du domaine public, notamment les « points hauts » tels que châteaux d’eau, toitures, etc. Cette mesure est en outre assortie d’une obligation de recensement, à la charge des rédacteurs des schémas directeurs territoriaux d’aménagement numérique, des installations et bâtiments susceptibles d’accueillir des installations de radiotéléphonie mobile.

  1. Mesures impactant les possibilités de recours
  • Saisie de l’instance de concertation

Par cette mesure, les opérateurs télécoms demandent à bénéficier, au même titre que les maires ou les présidents d’établissements publics de coopération intercommunale, de la faculté de saisir l’instance de concertation telle que définie par l’Article L. 34-9-1 du Code des postes et communications électroniques.

  • Suppression de la faculté de retrait des décisions d’urbanisme

Les décisions d’urbanisme peuvent être retirées dans un délai de trois mois à compter de leur adoption (Code de l’urbanisme, article L. 424-5). Cette simplification vise à établir un régime d’exception au regard des décisions d’urbanisme portant sur les implantations d’installations radioélectriques, lesquelles ne pourraient être retirées. Cela exclut quasiment toute possibilité de recours d’un tiers.

  • Présumer la condition d’urgence remplie en cas de référé-suspension

Code de justice administrative, article L. 521-1 : « Quand une décision administrative, même de rejet, fait l’objet d’une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d’une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l’exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l’urgence le justifie et qu’il est fait état d’un moyen propre à créer, en l’état de l’instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision… ». La simplification souhaitée vise, dans le cas d’une requête en annulation ou en réformation relative à une décision administrative refusant de faire droit à une demande d’autorisation d’urbanisme portant sur la réalisation d’équipements de radiotéléphonie mobile, à présumer satisfaite la condition d’urgence stipulée ci-dessus. Autrement dit, dans le contexte précité, il suffirait que soit introduite une requête en annulation ou en réformation pour qu’une décision administrative de rejet soit systématiquement suspendue ; cette simplification ôte toute consistance à l’article L. 521-1 du Code de justice administrative.

  1. Mesures visant à réduire les délais d’instruction des demandes
  • Délai de raccordement au réseau de distribution d’électricité

Dans le cadre de projets d’implantation d’antennes relais de téléphonie mobile, cette simplification vise à introduire un délai maximal de deux mois entre la communication au gestionnaire du réseau de distribution d’électricité de l’ensemble des informations nécessaires à la définition du raccordement et la délivrance par celui-ci de l’étude définissant les conditions techniques du raccordement.

  • Application du principe du « silence vaut acceptation »

Par cette simplification, il est demandé, d’une part que les permissions de voirie, encadrant l’occupation du domaine routier, soient soumises à la règle du « silence vaut acceptation », ce qui n’est actuellement pas le cas, et que d’autre part le délai accordé à l’autorité compétente pour se prononcer soit ramené de deux mois à un mois.

  1. Mesures visant à assurer la pérennité des installations radioélectriques
  • Sécurisation des contrats de bail

Cette proposition vise à encadrer de façon très stricte la transmission, sous quelque forme que ce soit, d’un emplacement accueillant ou destiné à accueillir une installation radioélectrique. Le texte proposé va bien au-delà de la législation actuelle, laquelle se limite aux « terrains destinés à l’édification de poteaux, de pylônes ou de toute autre construction supportant des antennes d’émission ou de réception de signaux radioélectriques aux fins de fournir au public un service de communications électroniques », et garantit aux opérateurs une réelle mainmise sur ces emplacements (notion « d’emplacement » substituée à celle de « terrain »). La proposition est assortie d’un « droit de préférence » auquel devra se soumettre tout propriétaire ou bailleur souhaitant contracter avec un tiers.

  • Maintien de l’alimentation en énergie électrique

Cette proposition, visant à classer les installations radioélectriques en tant qu’infrastructures délivrant un besoin essentiel et en cela éligibles au maintien d’un service prioritaire en cas de délestages sur les réseaux électriques, n’entre pas dans le cadre des rencontres de la simplification. Il n’appartient pas à la Fédération Française des Télécoms de décider de ce qui est un besoin essentiel de la nation.

  • Protection des installations au regard d’actes de malveillance

De même, cette proposition, visant à renforcer le Code pénal, n’entre en rien dans le cadre des rencontres de la simplification, ni même dans celui énoncé par la Fédération Française des Télécoms. Par ailleurs, si l’on peut y voir un effet de dissuasion, cette proposition s’accorde difficilement avec l’un des principes fondamentaux du droit français, principe selon lequel « nul ne peut se faire justice à soi-même ». Aussi n’est-il pas du ressort de la Fédération Française des Télécoms d’émettre une telle proposition.

[1] https://www.fftelecoms.org/app/uploads/2024/01/Reponse-FFTelecoms-Rencontres-de-la-simplification.pdf

[2] https://www.fftelecoms.org/nos-travaux-et-champs-dactions/reseaux/le-secteur-des-telecoms-propose-dix-mesures-de-simplification-des-deploiements-des-infrastructures-numeriques/

 

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